Le Zero et l'Infini by Koestler Arthur

Le Zero et l'Infini by Koestler Arthur

Auteur:Koestler, Arthur [Koestler, Arthur]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Roman
Éditeur: Le livre de poche
Publié: 2012-01-30T12:16:02+00:00


VII

Il geignait en dormant. Le rêve de sa première arrestation était revenu ; sa main, pendant mollement au bord du lit, cherchait nerveusement la manche de sa robe de chambre ; il attendait le coup qui allait enfin l’atteindre, mais ce coup ne venait pas.

Il se réveilla, parce que la lampe électrique s’était allumée tout à coup dans sa cellule. Quelqu’un était debout près de son lit à le regarder. Roubachof n’avait pas pu dormir plus d’un quart d’heure, mais après ce rêve il lui fallait toujours plusieurs minutes pour se remettre. Il clignotait dans la lumière éclatante, son esprit élaborait péniblement les hypothèses habituelles, comme s’il accomplissait un rite inconscient. Il était dans une cellule, mais pas dans le pays ennemi – cela n’était qu’un rêve. Il était donc-libre – mais la chromo du No 1 accrochée au-dessus de son lit n’était pas là, et là-bas il y avait le seau. D’ailleurs, Ivanof était debout à son chevet et lui soufflait au visage la fumée de sa cigarette. Cela aussi, était-ce un rêve ? Non, Ivanof était réel, le seau était réel. Il était dans son pays, mais c’était devenu un pays ennemi ; et Ivanof, jadis son ami, était lui aussi devenu son ennemi ; et les pleurnichements d’Arlova n’étaient pas un rêve non plus. Mais non, ce n’était pas Arlova, mais Bogrof, que l’on avait traîné comme une poupée de cire ; le camarade Bogrof, fidèle jusqu’à la tombe ; et il l’avait appelé par son nom ; cela n’était pas un rêve. Arlova, par contre, avait dit : « Vous ferez de moi tout ce que vous voudrez…»

« Es-tu malade ? » demanda Ivanof. Aveuglé par la lumière, Roubachof le regarda en clignotant.

« Donne-moi ma robe de chambre », dit-il.

Ivanof l’observait. La joue droite de Roubachof était enflée.

« Veux-tu de l’eau-de-vie ? » demanda Ivanof.

Sans attendre la réponse, il s’en alla clopinant vers le judas et donna un ordre dans le couloir. Roubachof le suivit des yeux, toujours clignotant. Il restait hébété. Il était éveillé, mais voyait, entendait et pensait comme au travers d’un brouillard.

« Ils t’ont arrêté aussi ? demanda-t-il.

— Non, dit Ivanof calmement. Je suis simplement venu te faire une visite. Je crois que tu as la fièvre.

— Donne moi une cigarette », dit Roubachof. Il aspira profondément la fumée une ou deux fois, et son regard s’éclaircit. Il se recoucha tout en fumant et regarda le plafond. La porte de la cellule s’ouvrit ; le geôlier apporta une bouteille d’eau-de-vie et un verre. Cette fois, ce n’était pas le vieillard, mais un jeune homme maigre en uniforme, avec des lunettes à monture d’acier. Il salua Ivanof, lui tendit la bouteille et le verre et referma la porte du dehors. On entendit ses pas s’éloigner dans le corridor.

Ivanof s’assit sur le bord de la couchette de Roubachof, et remplit le verre. « Bois », dit-il. Roubachof vida le verre. La buée qui lui emplissait la tête se dissipa, les événements et les personnes –



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